Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
De la déclamation.

du beau inspirent ne sont pas ceux qui caractérisent tel ou tel personnage. La poésie exprime la perfection en général plutôt qu’une manière d’être ou de sentir particulière. L’art de l’acteur tragique consiste donc à présenter dans ses attitudes l’image de la beauté poétique, sans négliger cependant ce qui distingue les différents caractères : c’est toujours dans l’union de l’idéal avec la nature que consiste tout le domaine des arts.

Lorsque je vis la pièce du Vingt-quatre Février jouée par deux poëtes célèbres, A. W. Schlegel et Werner, je fus singulièrement frappée de leur genre de déclamation. Ils préparoient les effets long-temps d’avance, et l’on voyoit qu’ils auroient été fâchés d’être applaudis dès les premiers vers. Toujours l’ensemble étoit présent à leur pensée, et le succès de détail, qui auroit pu y nuire, ne leur eut paru qu’une faute. Schlegel me fit découvrir, par sa manière de jouer dans la pièce de Werner, tout l’intérêt d’un rôle que j’avois à peine remarqué à la lecture. C’étoit l’innocence d’un homme coupable, le malheur d’un honnête homme qui a commis un crime à l’âge de sept ans, lorsqu’il ne savoit pas encore ce que c’étoit que le crime, et qui,