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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

tend les flots murmurer les romances que la fée lui chantoit ; s’il invite des convives à sa table, des génies ailés viennent s’y placer, et font singulièrement peur à la prosaïque société de sa femme. Partout des fleurs, des danses et des concerts viennent troubler comme des fantômes la vie de l’infidèle amant ; et d’autre part des esprits malins s’amusent à tourmenter son valet qui, dans son genre aussi, voudroit bien ne plus entendre parler de poésie : enfin la fée se réconcilie avec le chevalier, à condition qu’il passera tous les ans trois jours avec elle, et sa femme consent volontiers à ce que son époux aille puiser dans l’entretien de la fée l’enthousiasme qui sert si bien à mieux aimer ce qu’on aime. Le sujet de cette pièce semble plus ingénieux que populaire ; mais les scènes merveilleuses y sont mêlées et variées avec tant d’art, qu’elle amuse également toutes les classes de spectateurs.

La nouvelle école littéraire, en Allemagne, a un système sur la comédie comme sur tout le reste ; la peinture des mœurs ne suffit pas pour l’intéresser, elle veut de l’imagination dans la conception des pièces et dans l’invention des personnages ; le merveilleux, l’allégorie, l’histoire, rien ne lui paroît de trop pour