Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

tacle : Corriger les mœurs en riant. Il y a trop souvent des jeunes gens endettés, des pères de famille qui se dérangent. Les leçons de morale ne sont pas du ressort de la comédie, et il y a même de l’inconvénient à les y faire entrer ; car lorsqu’elles y ennuient, on peut prendre l’habitude de transporter dans la vie réelle cette impression causée par les beaux-arts.

Kotzebue a emprunté d’un poëte danois, Holberg, une comédie qui a eu beaucoup de succès en Allemagne ; elle est intitulée Don Ranudo Colibrados ; c’est un gentilhomme ruiné qui tâche de se faire passer pour riche, et consacre à des choses d’apparat le peu d’argent qui suffirait à peine pour nourrir sa famille et lui. Le sujet de cette pièce sert de pendant et de contraste au Bourgeois de Molière, qui veut se faire passer pour gentilhomme : il y a des scènes très-spirituelles dans le Noble pauvre, et même très-comiques, mais d’un comique barbare. Le ridicule saisi par Molière n’est que gai, mais au fond de celui que le poëte danois représente il y a un malheur réel ; sans doute il faut presque toujours une grande intrépidité d’esprit pour prendre la vie humaine en plaisanterie, et la force comique suppose un caractère au moins insouciant ; mais