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LA LITTÉRATURE ET MES ARTS

nous révéler des abîmes sous nos pas. Sans doute on est sans cesse ramené à l’admiration des sujets antiques, et jusqu’à présent tous les efforts des modernes pour tirer de leur propre fonds de quoi égaler les Grecs n’ont point encore réussi ; cependant il faut atteindre à cette noble gloire ; car non-seulement l’imitation s’épuise, mais l’esprit de notre temps se fait toujours sentir dans la manière dont nous traitons les fables ou les faits de l’antiquité. Collin lui-même, par exemple, quoiqu’il ait conduit sa pièce de Polyxène avec une grande simplicité dans les premiers actes, la complique vers la fin par une multitude d’incidents. Les Français ont mêlé la galanterie du siècle de Louis XIV aux sujets antiques ; les Italiens les traitent souvent avec une affectation ampoulée ; les Anglais, naturels en tout, n’ont imité, sur leur théâtre, que les Romains, parce qu’ils se sentoient des rapports avec eux. Les Allemands font entrer la philosophie métaphysique ou la variété des événements romanesques dans leurs tragédies tirées des sujets grecs. Jamais un écrivain de nos jours ne pourra parvenir à composer de la poésie antique. Il vaudroit donc mieux que notre religion et nos mœurs nous créassent une poésie mo-