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PIÈCES DU THÉATRE ALLEMAND

à un certain charlatanisme de simplicité qui fait rire, quelque grave raison qu’on ait d’ailleurs pour être touché. Sans doute il faut savoir se transporter dans le siècle que l’on veut peindre ; mais il ne faut pas non plus entièrement oublier le sien. La perspective des tableaux, quelque soit l’objet qu’ils représentent, doit toujours être prise d’après le point de vue des spectateurs.

Parmi les auteurs qui sont restés fidèles à l’imitation des anciens il faut placer Collin au premier rang. Vienne s’honore de ce poëte, l’un des plus estimés en Allemagne, et peut-être depuis long-temps l’unique en Autriche. Sa tragédie de Régulus réussiroit en France si elle y étoit connue. Il y a, dans la manière d’écrire de Collin, un mélange d’élévation et de sensibilité, de sévérité romaine et de douceur religieuse, fait pour concilier ensemble le goût des anciens et celui des modernes. La scène de sa tragédie de Polyxène, où Calchas commande à Néoptolème d’immoler la fille de Priam sur le tombeau d’Achille, est une des plus belles choses qu’on puisse entendre. L’appel des divinités infernales, réclamant une victime pour apaiser les morts, est exprimé avec une force ténébreuse, une terreur souterraine qui semble