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LA LITTÉRATURE ET MES ARTS

Kotzebue et la plupart des auteurs allemands avoient emprunté de Lessing l’opinion qu’il falloit écrire en prose pour le théâtre, et rapprocher toujours le plus possible la tragédie du drame ; Goethe et Schiller, par leurs derniers ouvrages, et les écrivains de la nouvelle école, ont renversé ce système : l’on pourroit plutôt reprocher à ces écrivains l’excès contraire, c’est-à-dire une poésie trop exaltée, et qui détourne l’imagination de l’effet théâtral. Dans les auteurs dramatiques qui, comme Kotzebue, ont adopté les principes de Lessing, on trouve presque toujours de la simplicité et de l’intérêt ; Agnès de Bernau, Jules de Tarente, don Diégo et Léonore ont été représentés avec beaucoup de succès, et un succès mérité ; comme ces pièces sont traduites dans le recueil de Friedel, il est inutile d’en rien citer. Il me semble que don Diégo et Léonore surtout pourroit, avec quelques changements, réussir sur le théâtre français. Il faudrait y conserver la touchante peinture de cet amour profond et mélancolique qui pressent le malheur avant même qu’aucun revers l’annonce ; les Ecossais appellent ces pressentiments du cœur la seconde vue de l’homme ; ils ont tort de l’appeler la seconde, c’est la première, et peut-être la seule vraie.