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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

faisoit. Après cet affreux événement il a disparu. Les travaux du père parricide ont toujours été frappés de malheur depuis ce temps ; ses champs sont devenus stériles ses bestiaux ont péri ; la pauvreté la plus horrible l’accable ; ses créanciers le menacent de s’emparer de sa cabane, et de le jeter dans une prison ; sa femme va se trouver seule, errante au milieu des neiges des Alpes. Tout à coup arrive le fils absent depuis vingt années. Des sentiments doux et religieux l’animent ; il est plein de repentir, quoique son intention n’ait pas été coupable. Il revient chez son père ; et ne pouvant en être reconnu, il veut d’abord lui cacher son nom, pour gagner son affection avant de se dire son fils ; mais le père devient avide et jaloux, dans sa misère, de l’argent que porte avec lui cet hôte, qui lui paroît un étranger vagabond et suspect ; et quand l’heure de minuit sonne, le vingt-quatre février, anniversaire de la malédiction paternelle dont la famille entière est frappée, il plonge un couteau dans le sein de son fils. Celuici révèle, en expirant, son secret à l’homme doublement coupable, assassin de son père et de son enfant, et le misérable va se livrer au tribunal qui doit le condamner.