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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

des personnages fantastiques qui semblent n’avoir pas encore reçu l’existence terrestre. Dans le prologue de Tarare de Beaumarchais, un génie demande à ces êtres imaginaires s’ils veulent naître ; et l’un d’entre eux répond : — Je ne m’y sens aucun empressement. — Cette spirituelle réponse pourroit s’appliquer à la plupart de cet figures allégoriques qu’on voudroit introduire sur le théâtre allemand.

Werner a composé sur les Templiers une pièce en deux volumes, les Fils de la Vallée, d’un grand intérêt pour ceux qui sont initiés dans la doctrine des ordres secrets ; car c’est plutôt l’esprit de ces ordres que la couleur historique qui s’y fait remarquer. Le poëte cherche à rattacher les Francs-Maçons aux Templiers, et s’applique à faire voir que les mêmes traditions et le même esprit se sont toujours conservés parmi eux. L’imagination de Werner se plaît singulièrement à ces associations qui ont l’air de quelque chose de surnaturel, parce qu’elles multiplient d’une façon extraordinaire la force de chacun, en donnant à tous une tendance semblable. Cette pièce, ou ce poème des Fils de la Vallée, a produit une grande sensation en Allemagne ; je doute qu’il obtint autant de succès parmi nous.