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ATTILA

elle immole Attila pendant la nuit de ses noces, mais poignarde à côté de lui son fils âgé de quatorze ans, il n’y a plus de trait de femme dans cette créature, et l’aversion qu’elle inspire l’emporte sur l’effroi qu’elle peut causer. Néanmoins ; tout ce rôle d’Hildegonde est une invention originale ; et, dans un poëme épique, où l’on admettrait les personnages allégoriques, cette furie sous des traits doux, attachée aux pas d’un tyran, comme la flatterie perfide, produirait sans doute un grand effet.

Enfin il parait, ce terrible Attila, au milieu des flammes qui ont consumé la ville d’Aquilée ; il s’assied sur les ruines des palais qu’il vient de renverser, et semble à lui seul chargé d’accomplir en un jour l’œuvre des siècles. Il a comme une sorte de superstition envers lui-même, il est l’objet de son culte, il croit en lui, il se regarde comme l’instrument des décrets du ciel, et cette conviction mêle un certain système d’équité à ses crimes. Il reproche à ses ennemis leurs fautes, comme s’il n’en avoit pas commis plus qu’eux tous ; il est féroce, et néanmoins c’est un barbare généreux ; il est despote, et se montre pourtant fidèle à sa promesse ; enfin au milieu des richesses du monde il vit comme un soldat, et ne