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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

donne une idée terrible de la puissance d’Altila ; C’est un art nécessaire au théâtre, que de faire juger les principaux personnages, plutôt par l’effet qu’ils produisent sur les autres, que par un portrait, quelque frappant qu’il puisse être. Un seul homme multiplié par ceux qui lui obéissent remplit d’épouvante l’Asie et l’Europe. Quelle image gigantesque de la volonté absolue ce spectacle n’offre-t-il pas ?

À côté d’Attila est une princesse de Bourgogne, Hildegonde, qui doit l’épouser, et dont il se croit aimé. Cette princesse nourrit un profond sentiment de vengeance contre lui, parce qu’il a tué son père et son amant. Elle ne veut s’unir à lui que pour l’assassiner ; et, par un raffinement singulier de haine, elle l’a soigné lorsqu’il étoit blessé, de peur qu’il ne mourût de l’honorable mort des guerriers. Cette femme est peinte comme la déesse de la guerre ; ses cheveux blonds et sa tunique écarlate semblent réunir en elle l’image de la foiblesse et de la fureur. C’est un caractère mystérieux qui a d’abord un grand empire sur l’imagination ; mais quand ce mystère va toujours croissant, quand le poëte laisse supposer qu’une puissance infernale s’est emparée d’elle, et que non-seulement, à la fin de la pièce,