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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

distrait de l’idée principale par des singularités et des allégories qui ne conviennent ni à un sujet tiré de l’histoire, ni surtout au théâtre.

Catherine, en apercevant Luther, qu’elle détestoit, s’écrie  : — Voilà mon idéal ! — et le plus violent amour s’empare d’elle à cet instant. Werner croit qu’il y a de la prédestination dans l’amour, et que les êtres créés l’un pour l’autre doivent se reconnoître à la première vue. C’est une très-agréable doctrine métaphysique et madrigalique, mais qui ne sauroit guère être comprise sur la scène ; d’ailleurs il n’y a rien de plus étrange que cette exclamation sur l’idéal adressée à Martin Luther ; car on se le représente comme un gros moine savant et scolastique, à qui ne convient guère l’expression la plus romanesque qu’on puisse emprunter à la théorie moderne des beaux-arts.

Deux anges, sous la forme d’un jeune homme disciple de Luther, et d’une jeune fille amie de Catherine, semblent traverser la pièce avec des hyacinthes et des palmes, comme des symboles de la pureté et de la foi. Ces deux anges disparoissent à la fin, et l’imagination les suit dans les airs ; mais le pathétique est moins pressant, quand on se sert de tableaux fantastiques pour embellir