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FAUST

connu de tout le monde, et qui est indépendant du sujet auquel il est appliqué. Dans la pièce de Faust le rhythme change suivant la situation, et la variété brillante qui en résulte est admirable. La langue allemande présente un plus grand nombre de combinaisons que la nôtre, et Goethe semble les avoir toutes employées pour exprimer, avec les sons comme avec les images, la singulière exaltation d’ironie et d’enthousiasme, de tristesse et de gaieté qui l’a porté à composer cet ouvrage. Il seroit véritablement trop naïf de supposer qu’un tel homme ne sache pas toutes les fautes de goût qu’on peut reprocher à sa pièce ; mais il est curieux de connoître les motifs qui l’ont déterminé à les y laisser ou plutôt à les y mettre.

Goethe ne s’est astreint dans cet ouvrage à aucun genre ; ce n’est ni une tragédie, ni un roman. L’auteur a voulu abjurer dans cette composition toute manière sobre de penser et d’écrire : on y trouverait quelques rapports avec Aristophane, si des traits du pathétique de Shakespear n’y mêloient des beautés d’un tout autre genre. Faust étonne, émeut, attendrit ; mais il ne laisse pas une douce impression dans l’âme. Quoique la présomption et le vice y soient