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FAUST

si je ne l’étois pas moi-même : mais penses-tu donc, insensé, que parce que ta pauvre tête ne voit plus d’issue, il n’y en ait plus véritablement ? Vive celui qui sait tout supporter avec courage ! Je t’ai déjà rendu pas mal semblable à moi, et songe, je t’en prie, qu’il n’y a rien de plus fastidieux dans ce monde qu’un diable qui se désespère. »

Marguerite va seule à l’église, l’unique refuge qui lui reste : une foule immense remplit le temple, et le service des morts est célébré dans ce lieu solennel. Marguerite est couverte d’un voile ; elle prie avec ardeur ; et lorsqu’elle commence à se flatter de la miséricorde divine, le mauvais esprit lui parle d’une voix basse, et lui dit : —

« Te souviens-tu, Marguerite, de ce temps où tu venois ici te prosterner devant l’autel ? tu étois alors pleine d’innocence, tu balbutiois timidement les psaumes, et Dieu régnoit dans ton cœur. Marguerite, qu’as-tu fait ? Que de crimes tu as commis ! Viens-tu prier pour l’âme de ta mère, dont la mort pèse sur ta tête ? Sur le seuil de ta porte vois-tu quel est ce sang ? c’est celui de ton frère ; et ne sens-tu pas s’agiter dans ton sein une créature in-