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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

du bonheur même, bientôt un vague ennui me fait regretter le désir. »


L’histoire de Marguerite serre douloureusement le cœur. Son état vulgaire, son esprit borné, tout ce qui la soumet au malheur, sans qu’elle puisse y résister, inspire encore plus de pitié pour elle. Goethe, dans ses romans et dans ses pièces, n’a presque jamais donné des qualités supérieures aux femmes, mais il peint à merveille le caractère de foiblesse qui leur rend la protection si nécessaire. Marguerite veut recevoir chez elle Faust à l’insçu de sa mère, et donne à cette pauvre femme, d’après le conseil de Méphistophélès, une potion assoupissante qu’elle ne peut supporter, et qui la fait mourir. La coupable Marguerite devient grosse, sa honte est publique, tout le quartier qu’elle habite la montre au doigt. Le déshonneur semble avoir plus de prise sur les personnes d’un rang élevé, et peut-être cependant est-il encore plus redoutable dans la classe du peuple. Tout est si tranché, si positif, si irréparable parmi les hommes qui n’ont pour rien des paroles nuancées. Goethe saisit admirablement ces mœurs, tout à la fois si près et si loin de nous, il possède au suprême degré l’art d’être