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DE L’ART DRAMATIQUE

tout en reconnoissant cette double supériorité, on peut éprouver des émotions plus profondes par des ouvrages moins bien ordonnés ; la conception des pièces étrangères est quelquefois plus frappante et plus hardie, et souvent elle renferme je ne sais quelle puissance qui parle plus intimement à notre cœur, et touche de plus près aux sentiments qui nous ont personnellement agités.

Comme les Français s’ennuient facilement, ils évitent les longueurs en toutes choses. Les Allemands, en allant au théâtre, ne sacrifient d’ordinaire qu’une triste partie de jeu dont les chances monotones remplissent à peine les heures ; ils ne demandent pas mieux que de s’établir tranquillement au spectacle, et de donner à l’auteur tout le temps qu’il veut pour préparer les événements et développer les personnages : l’impatience française ne tolère pas cette lenteur.

Les pièces allemandes ressemblent d’ordinaire aux tableaux des anciens peintres : les physionomies sont belles, expressives, recueillies ; mais toutes les figures sont sur le même plan, quelquefois confuses, ou quelquefois placées l’une à côté de l’autre, comme dans les