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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

des jeunes gens de toutes les classes, et subjugue, de différentes manières, les divers esprits qu’il rencontre. Il ne les subjugue jamais par l’admiration, mais par l’étonnernent. Il captive toujours par quelque chose d’inattendu et de dédaigneux dans ses paroles et dans ses actions ; car la plupart des hommes vulgaires font d’autant plus de cas d’un esprit supérieur, qu’il ne se soucie pas d’eux. Un instinct secret leur dit que celui qui les méprise voit juste.

Un écolier de Leipsick, sortant de la maison maternelle, et niais comme on peut l’être à cet âge dans les bons pays de l’Allemagne, vient consulter Faust sur ses études ; Faust prie Méphistophélès de se charger de lui répondre. Il revèt la robe de docteur, et pendant qu’il attend l’écolier, il exprime seul son dédain pour Faust. « Cet homme, dit-il, ne sera jamais qu’à demi pervers, et c’est en vain qu’il se flatte de parvenir à l’être entièrement. » En effet, une maladresse causée par des regrets invincibles entrave les honnêtes gens quand ils se détournent de leur route naturelle, et les hommes radicalement mauvais se moquent de ces candidats du vice qui ont bonne intention de faire le mal, mais qui sont sans talent pour l’accomplir.