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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

nité ; non, je sens ma misère : c’est à l’insecte que je ressemble. Il s’agite dans la poussière, il se nourrit d’elle, et le voyageur en passant l’écrase et le détruit.

N’est-ce pas de la poussière en effet que ces livres dont je suis environné ? Ne suis-je pas enfermé dans le cachot de la science ? Ces murs, ces vitraux qui m’entourent, laissent-ils pénétrer seulement jusqu’à moi la lumière du jour sans l’altérer ? Que dois-je faire de ces inombrables volumes, de ces niaiseries sans fin qui remplissent ma tête ? Y trouverai-je ce qui me manque ? Si je parcours ces pages, qu’y lirai-je ? Que partout les hommes se sont tourrnentés sur leur sort ; que de temps en temps un heureux a paru, et qu’il a fait le désespoir du reste de la terre. » (Une tête de mort est sur la table.) « Et toi, qui sembles m’adresser un ricanement si terrible, l’esprit qui habitoit jadis ton cerveau n’a-t-il pas erré comme le mien, n’a-t-il pas cherché la lumière, et succombé sous le poids des ténèbres ? ces machines de tout genre que mon père avoient rassemblées pour servir à ses vains travaux ; ces roues, ces cylindres, ces leviers, me révéleront-ils le secret de la nature ? Non, elle est mystérieuse, bien qu’elle