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FAUST

vu, je me sentais à la fois sigrand et si petit ! mais tu m’as repoussé violemment dans le sort incertain de l’humanité.

Qui m’instruira maintenant ? Que dois-je éviter ? que dois-je céder à l’impulsion qui me presse ? nos actions, comme nos souffrances, arrêtent la marche de la pensée. Des penchants grossiers s’opposent à ce que l’esprit conçoit de plus magnifique. Quand nous atteignons un certain bonheur ici-bas, nous traitons d’illusion et de mensonge tout ce qui vaut mieux que ce bonheur ; et les sentiments sublimes que le créateur nous avoit donnés se perdent dans les intérêts de la terre. D’abord l’imagination avec ses ailes hardies aspire à l’éternité ; puis un petit espace suffit bientôt aux débris de toutes nos espérances trompées. L’inquiétude s’empare de notre cœur. Elle y produit des douleurs secrètes ; elle y détruit le repos et le plaisir. Elle se présente à nous sous mille formes ; tantôt la fortune, tantôt une femme, des enfants, le poignard, le poison, le feu, la mer nous agitent. L’homme tremble devant tout ce qui n’arrivera pas, et pleure sans cesse ce qu’il n’a point perdu.

Non, je ne me suis point comparé à la divi-