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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

du second ordre ; le génie vient, et lui conseille de ne point s’élever au-dessus de la sphère de l’esprit humain. — « C’est à nous, lui dit-il, c’est à nous de nous plonger dans le tumulte de l’activité, dans ces vagues éternelles de la vie, que la naissance et la mort élèvent et précipitent, repoussent et ramènent : nous sommes faits pour travailler à l’œuvre que Dieu nous commande, et dont le temps accomplit la trame. Mais toi, qui ne peux concevoir que toi-même, toi, qui trembles en approfondissant ta destinée et que mon souffle fait tressaillir, laisse-moi, ne me rappelle plus. » — Quand le génie disparoît, un désespoir profond s’empare de Faust et il veut s’empoisonner.

« Moi, dit-il, l’image de la divinité, je me croyois si près de goûter l’éternelle vérité dans tout l’éclat de sa lumière céleste ! je n’étois déjà plus le fils de la terre ; je me sentois l’égal des chérubins, qui, créateurs à leur tour, peuvent goûter les jouissances de Dieu même. Ah ! combien je dois expier mes pressentiments présomptueux ! Une parole foudroyante les a détruits pour jamais. Esprit divin, j’ai eu la force de t’attirer, mais je n’ai pas eu celle de te retenir. Pendant l’instant heureux où je t’ai