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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

vue des profondeurs de l’enfer, inspire une pitié douloureuse.

Milton a fait Satan plus grand que l’homme ; Michel-Ange et Le Dante lui ont donné les traits hideux de l’animal combinés avec la figure humaine. Le Méphistophélès de Goethe est un diable civilisé. Il manie avec art cette moquerie légère en apparence qui peut si bien s’accorder avec une grande profondeur de perversité ; il traite de niaiserie ou d’affectation tout ce qui est sensible ; sa figure est méchante, basse et fausse ; il a de la gaucherie sans timidité, du dédain sans fierté, quelque chose de doucereux auprès des femmes, parce que, dans cette seule circonstance, il a besoin de tromper pour séduire : et ce qu’il entend par séduire, c’est servir les passions d’un autre ; car il ne peut même faire semblant d’aimer. C’est la seule dissimulation qui lui soit impossible.

Le caractère de Méphistophélès suppose une inépuisable connoissance de la société, de la nature et du merveilleux. C’est le cochemar de l’esprit que cette pièce de Faust, mais un cochemar qui double sa force. On y trouve la révélation diabolique de l’incrédulité, de celle qui s’applique à tout ce qu’il peut y avoir de bon