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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

qui s’accorde mieux avec les sentiments, donnent à cette poésie la couleur d’un chant national. C’est le plus grand effort du talent que de se familiariser ainsi avec l’antiquité, et de saisir tout à la fois ce qui devoit être populaire chez les Grecs, et ce qui produit, à la distance des siècles, une impression si solennelle.

L’admiration qu’il est impossible de ne pas ressentir pour l’Iphigénie en Tauride de Goethe n’est point en contradiction avec ce que j’ai dit sur l’intérêt plus vif, et l’attendrissement plus intime que les sujets modernes peuvent faire éprouver. Les mœurs et les religions, dont les siècles ont effacé la trace, présentent l’homme comme un être idéal, qui touche à peine la terre sur laquelle il marche ; mais dans les époques et dans les faits historiques, dont l’influence subsiste encore, nous sentons la chaleur de notre propre existence, et nous voulons des affections semblables à celles qui nous agitent.

Il me semble donc que Goethe n’auroit pas du mettre dans sa pièce de Torquato Tasso la même simplicité d’action et le même calme dans les discours qui convenoient à son Iphigénie. Ce calme et cette simplicité pourraient ne paraître que de la froideur et du manque de naturel dans