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IPHIGÉNIE EN TAURIDE

voir passer devant ses yeux les tableaux dont l’histoire et la fable ont enrichi l’antiquité. C’est un intérêt aussi que celui du plus beau langage, et des sentiments les plus élevés. Une poésie si haute plonge l’âme dans une noble contemplation, qui lui rend moins nécessaire le mouvement et la diversité dramatiques.

Parmi le grand nombre des morceaux à citer dans cette pièce, il en est un dont il n’y a de modèle nulle part : Iphigénie, dans sa douleur, se rappelle un ancien chant connu dans sa famille, et que sa nourrice lui a appris dès le berceau : c’est le chant que les Parques font entendre à Tantale dans l’enfer. Elles lui retracent sa gloire passée, lorsqu’il étoit le convive des dieux à la table d’or. Elles peignent le moment terrible où il fut précipité de son trône, la punition que les dieux lui infligèrent, la tranquillité de ces dieux qui planent sur l’univers, et que les plaintes des enfers ne sauroient ébranler ; ces Parques menaçantes annoncent aux petits-fils de Tantale que les dieux se détourneront d’eux, parce que leurs traits rappellent ceux de leur père. Le vieux Tantale entend ce chant funeste dans l’éternelle nuit, pense à ses enfants, et baisse sa tête coupable. Les images les plus frappantes, le rhythme