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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

nouvelle ; Goethe y est parvenu néanmoins, en donnant un caractère vraiment admirable à son héroïne. L’Antigone de Sophocle est une sainte telle qu’une religion plus pure que celle des anciens pourroit nous la représenter. L’Iphigénie de Goethe n’a pas moins de respect pour la vérité qu’Antigone ; mais elle réunit le calme d’un philosophe à la ferveur d’une prêtresse : le chaste culte de Diane et l’asile d’un temple suffisent à l’existence rêveuse que lui laisse le regret d’être éloignée de la Grèce. Elle veut adoucir les mœurs du pays barbare qu’elle habite ; et bien que son nom soit ignoré, elle répand des bienfaits autour d’elle, en fille du roi des rois. Toutefois elle ne cesse point de regretter les belles contrées où se passa son enfance, et son âme est remplie d’une résignation forte et douce, qui tient pour ainsi dire le milieu entre le stoïcisme et le christianisme. Iphigénie ressemble un peu à la divinité qu’elle sert, et l’imagination se la représente environnée d’un nuage qui lui dérobe sa patrie. En effet, l’exil et l’exil loin de la Grèce, pouvoit-il permettre aucune jouissance que celle qu’on trouve en soi-même ! Ovide aussi, condamné à vivre loin de la Tauride, parloit en vain son harmonieux langage