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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ploits ; ils racontent dans un dialogue naturel et piquant les principales actions de sa vie, et font sentir dans leur langage et leurs récits la haute confiance qu’il leur inspire. C’est ainsi que Shakespear prépare l’entrée de Jules César, et le camp de Walstein est composé dans le même but. Mais nous ne supporterions pas en France le mélange du ton populaire avec la dignité tragique, et c’est ce qui donne souvent de la monotonie à nos tragédies du second ordre. Les mots pompeux et les situations toujours héroïques sont nécessairement en petit nombre : d’ailleurs l’attendrissement pénètre rarement jusqu’au fond de l’âme, quand on ne captive pas l’imagination par des détails simples, mais vrais, qui donnent de la vie aux moindres circonstances.

Clara est représentée au milieu d’un intérieur singulièrement bourgeois ; sa mère est très-vulgaire, celui qui doit l’épouser a pour elle un sentiment passionné ; mais on n’aime pas à se représenter Egmont comme le rival d’un homme du peuple ; tout ce qui entoure Clara sert, il est vrai, à relever la pureté de son âme ; néanmoins on n’admettroit pas en France dans l’art dramatique l’un des principes de l’art pittoresque, l’ombre qui fait ressortir la lumière. Comme on