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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

tifice, c’est une inspiration parfaitement vraie et spontanée, qui répand sur les circonstances particulières l’harmonie universelle, et sur les moments passagers la dignité des souvenirs durables.

Le Comte d’Egmont me paroît la plus belle des tragédies de Goethe ; il l’a écrite, sans doute, lorsqu’il composoit Werther : la même chaleur d’âme se retrouve dans ces deux ouvrages. La pièce commence au moment où Philippe II, fatigué de la douceur du gouvernement de Marguerite de Parme, dans les Pays-Bas, envoie le duc d’Albe pour la remplacer. Le roi est inquiet de la popularité qu’ont acquise le prince d’Orange et le comte d’Egmont ; il les soupçonne de favoriser en secret les partisans de la réformation. Tout est réuni pour donner l’idée la plus séduisante du comte d’Egmont ; on le voit adoré de ses soldats, à la tête desquels il a remporté tant de victoires. La princesse espagnole se fie à sa fidélité, bien qu’elle sache par lui-même combien il blâme la sévérité dont on use envers les protestants. Les citoyens de la ville de Bruxelles le considèrent comme le défenseur de leurs libertés auprès du trône ; enfin le prince d’Orange, dont la politique profonde