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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

C’est encore un beau moment que celui où Goetz, voulant se défendre dans son château, ordonne qu’on arrache le plomb de ses fenêtres pour en faire des balles. Il y a dans cet homme un mépris de l’avenir et une intensité de force dans le présent tout-à-fait admirable. Enfin Goetz voit périr tous ses compagnons d’armes ; il reste blessé, captif, et n’ayant auprès de lui que son épouse et sa sœur. Il n’est plus entouré que de femmes, lui qui vouloit vivre au milieu d’hommes, et d’hommes indomptables, pour exercer avec eux la puissance de son caractère et de son bras. Il songe au nom qu’il doit laisser après lui ; il réfléchit, puisqu’il va mourir. Il demande à voir encore une fois le soleil, pense à Dieu dont il ne s’est point occupé, mais dont il n’a jamais douté, et meurt courageux et sombre, regrettant la guerre plus que la vie.

On aime beaucoup cette pièce en Allemagne ; les mœurs et les costumes nationaux de l’ancien temps y sont fidèlement représentés, et tout ce qui tient à la chevalerie ancienne remue le cœur des Allemands. Goethe, le plus insouciant de tous les hommes, parce qu’il est sûr de gouverner son public, ne s’est pas donné la peine de mettre sa pièce en vers ; c’est le dessein d’un