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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ment profond. On a si peur de rencontrer l’affectation dans le plus beau don du ciel, dans la sensibilité, que l’on préfère quelquefois la rudesse elle-même comme garant de la franchise.

La femme de Goetz s’offre à l’imagination telle qu’un ancien portrait de l’école flamande, où le vêtement, le regard, ta tranquillité même de l’attitude annoncent une femme soumise à son époux, ne connoissant que lui, n’admirant que lui, et se croyant destinée à le servir, comme il l’est à la défendre. On voit en contraste avec cette femme par excellence une créature tout-à-fait perverse, Adélaïde, qui séduit Weislingen, et le fait manquer à ce qu’il avoit promis à son ami ; elle l’épouse, et bientôt lui devient infidèle. Elle se fait aimer avec passion de son page, et trouble ce malheureux jeune homme au point de l’entraîner à donner à son maître une coupe empoisonnée. Ces traits sont forts, mais peut-être est-il vrai que, quand les mœurs sont très-pures en général, celle qui s’en écarte est bientôt entièrement corrompue ; le désir de plaire n’est de nos jours qu’un lien d’affection et de bienveillance ; mais dans la vie sévère et domestique d’autrefois, c’étoit un égarement qui pou-