Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
GOETZ DE BERLICHINGEN

individus perdirent graduellement toute leur importance. Un caractère tel que celui de Goetz dut souffrir de ce changement lorsqu’il s’opéra.

L’esprit militaire a toujours été plus rude en Allemagne que partout ailleurs, et c’est là qu’on peut se figurer véritablement ces hommes de fer dont on voit encore les images dans les arsenaux de l’empire. Néanmoins la simplicité des mœurs chevaleresques est peinte dans la pièce de Goethe avec beaucoup de charmes. Ce vieux Goetz, vivant dans les combats, dormant avec son armure , sans cesse à cheval, ne se reposant que quand il est assiégé, employant tout pour la guerre, ne voyant qu’elle ; ce vieux Goetz, dis-je, donne la plus haute idée de l’intérêt et de l’activité que la vie avoit alors. Ses qualités comme ses défauts sont fortement prononcés ; rien n’est plus généreux que son amitié pour Weislingen, autrefois son ami, depuis son adversaire, et souvent même traître envers lui. La sensibilité que montre un intrépide guerrier remue l’âme d’une façon toute nouvelle ; nous avons du temps pour aimer dans notre vie oisive ; mais ces éclairs d’émotion qui font lire au fond du cœur à travers une existence orageuse causent un attendrisse-