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GUILLAUME TELL

Hé bien, trompe leur méchant espoir ; que la flèche soit lancée et qu’elle atteigne au but. Allons. —

L’enfant se place sous le tilleul, et l’on pose la pomme sur sa tête ; alors les Suisses se pressent de nouveau autour de Gessler pour en obtenir la grâce de Tell. — Pensois-tu, dit Gessler en s’adressant à Tell, pensois-tu que tu pourrois te servir impunément des armes meurtrières ? Elles sont dangereuses aussi pour celui qui les porte ; ce droit insolent d’être armé, que les paysans s’arrogent, offense le maître de ces contrées ; celui qui commande doit seul être armé. Vous vous réjouissez tant de votre arc et de vos flèches, c’est à moi de vous donner un but pour les exercer. — Faites place, s’écrie Tell, faites place. — Tous les spectateurs frémissent. Il veut tendre son arc, la force lui manque ; un vertige l’empêche de voir ; il conjure Gessler de lui accorder la mort. Gessler est inflexible. Tell hésite encore long-temps dans une affreuse anxiété : tantôt il regarde Gessler, tantôt le ciel, puis tout à coup il tire de son carquois une seconde flèche et la met dans sa ceinture. Il se penche en avant comme s’il vouloit suivre le trait qu’il lance ; la flèche part, le peuple s’écrie :