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JEANNE D’ARC

de la sainte inspiration de l’héroïne. Le seul défaut grave qu’on puisse reprocher à ce drame lyrique, c’est le dénouement : au lieu de prendre celui qui étoit donné par l’histoire, Schiller suppose que Jeanne d’Arc, enchaînée par les Anglais, brise miraculeusement ses fers, va rejoindre le camp des Français, décide la victoire en leur faveur, et reçoit une blessure mortelle. Le merveilleux d’invention à côté du merveilleux transmis par l’histoire ôte à ce sujet quelque chose de sa gravité. D’ailleurs, qu’y avoit-il de plus beau que la conduite et les réponses mêmes de Jeanne d’Arc, lorsqu’elle fut condamnée à Rouen par les grands seigneurs anglais et les évêques normands ?

L’histoire raconte que cette jeune fille réunit le courage le plus inébranlable à la douleur la plus touchante ; elle pleurait comme une femme, mais elle se conduisoit comme un héros. On l’accusa de s’être livrée à des pratiques superstitieuses, et elle repoussa cette inculpation avec les arguments dont une personne éclairée pourroit se servir de nos jours ; mais elle persista toujours à déclarer qu’elle avoit eu des révélations intimes qui l’avoient décidée dans le choix de sa carrière. Abattue par l’horreur du supplice qui la