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JEANNE D’ARC

chevalier noir comme le destin lui apparoît dans le combat, et lui conseille de ne pas aller à Reims. Elle y va néanmoins ; la pompe solennelle du couronnement passe sur le théâtre ; Jeanne d’Arc marche au premier rang, mais ses pas sont chancelants ; elle porte en tremblant l’étendard sacré, et l’on sent que l’esprit divin ne la protège plus.

Avant d’entrer dans l’église, elle s’arrête et reste seule sur la scène. On entend de loin les instruments de fête qui accompagnent la cérémonie du sacre, et Jeanne d’Arc prononce des plaintes harmonieuses pendant que le son des flûtes et des hautbois plane doucement dans les airs.

« Les armes sont déposées, la tempête de la guerre se tait, les chants et les danses succèdent aux combats sanguinaires. Des refrains joyeux se font entendre dans les rues ; l’autel et l’église sont parés dans tout l’éclat d’une fête ; des couronnes de fleurs sont suspendues aux colonnes : cette vaste ville ne contient qu’à peine le nombre des hôtes étrangers qui se précipitent pour être les témoins de l’allégresse populaire ; un même sentiment remplit tous les cœurs ; et ceux que séparoit jadis une