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JEANNE D’ARC

étranger, mais à présent que j’ai besoin de t’émouvoir, une pénétration profonde m’éclaire ; je m’élève aux pensées les plus hautes ; la destinée des empires et des rois apparoît lumineuse à mes regards, et, à peine sortie de l’enfance, je puis diriger la foudre du ciel contre ton cœur. »

À ces mots le duc de Bourgogne est ému, troublé. Jeanne d’Arc s’en aperçoit, et s’écrie : « Il a pleuré, il est vaincu ; il est à nous. » Les Français inclinent devant lui leurs épées et leurs drapeaux. Charles VII paroît, et le duc de Bourgogne se précipite à ses pieds.

Je regrette pour nous que ce ne soit pas un Français qui ait conçu cette scène ; mais que de génie et surtout que de naturel ne faut-il pas pour s’identifier ainsi avec tout ce qu’il y a de beau et de vrai dans tous les pays et dans tous les siècles !

Talbot, que Schiller représente comme un guerrier athée, intrépide contre le ciel même, méprisant la mort, bien qu’il la trouve horrible, Talbot, blessé par Jeanne d’Arc, meurt sur le théâtre en blasphémant. Peut-être eût-il mieux valu suivre la tradition, qui dit que Jeanne d’Arc n’avoit jamais versé le sang humain, et