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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

monde disparoissent à côté des vertus vraiment religieuses. Il y a un troisième caractère de femme qu’on feroit bien de supprimer en entier, c’est celui d’Isabeau de Bavière ; il est grossier, et le contraste est beaucoup trop fort pour produire de l’effet. Il faut opposer Jeanne d’Arc à Agnès Sorel, l’amour divin à l’amour terrestre ; mais la haine et la perversité, dans une femme, sont au-dessous de l’art ; il se dégrade en les peignant.

Shakespear a donné l’idée de la scène dans laquelle Jeanne d’Arc ramène le duc de Bourgogne à la fidélité qu’il doit à son roi ; mais Schiller l’a exécutée d’une façon admirable. La vierge d’Orléans veut réveiller dans l’âme du duc cet attachement à la France, qui étoit si puissant alors dans tous les généreux habitants de cette belle contrée.

« Que prétends-tu ? lui dit-elle : quel est donc l’ennemi que cherche ton regard meurtrier ? Ce prince que tu veux attaquer est comme toi de la race royale ; tu fus son compagnon d’armes. Son pays est le tien ; moi-même ne suis-je pas une fille de ta patrie ? Nous tous que tu veux anéantir, ne sommes-nous pas tes amis ? Nos bras sont prêts à s’ou-