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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

pour toujours : que mes agneaux se dispersent dans les bruyères, un autre troupeau me réclame, l’esprit saint m’appelle à la sanglante carrière du péril.

Ce n’est point un désir vaniteux ni terrestre qui m’attire, c’est la voix de celui qui s’est montré à Moyse dans le buisson ardent du mont Horeb, et lui a commandé de résister à Pharaon. C’est lui qui, toujours favorable aux bergers, appela le jeune David pour comte battre le géant. Il m’a dit aussi : — Pars et rends témoignage à mon nom sur la terre. Tes membres doivent être renfermés dans le rude airain. Le fer doit couvrir ton sein délicat. Aucun homme ne doit faire éprouver à ton cœur les flammes de l’amour. La couronne de l’hyménée n’ornera jamais ta chevelure. Aucun enfant chéri ne reposera sur ton sein ; mais parmi toutes les femmes de la terre tu recevras seule en partage les lauriers des combats. Quand les plus courageux se lassent, quand l’heure fatale de la France semble approcher, c’est toi qui porteras mon oriflamme : et tu abattras les orgueilleux conquérants comme les épis tombent au jour de la moisson. Tes exploits changeront la roue de la for-