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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

inspirée par la religion, poëte dans ses actions, poëte aussi dans ses paroles, quand l’esprit divin l’anime ; montrant dans ses discours tantôt un génie admirable, tantôt l’ignorance absolue de tout ce que le ciel ne lui a pas révélé. C’est ainsi que Schiller a conçu le rôle de Jeanne d’Arc. Il la fait voir d’abord à Vaucouleurs dans l’habitation rustique de son père, entendant parler des revers de la France et s’enflammant à ce récit. Son vieux père blâme sa tristesse, sa rêverie, son enthousiasme. Il ne pénètre pas le secret de l’extraordinaire, et croit qu’il y a du mal dans tout ce qu’il n’a pas l’habitude de voir. Un paysan apporte un casque qu’une Bohémienne lui a remis d’une façon toute mystérieuse. Jeanne d’Arc s’en saisit, elle le place sur sa tête, et sa famille elle-même est étonnée de l’expression de ses regards.

Elle prophétise le triomphe de la France et la défaite de ses ennemis. Un paysan, esprit fort, lui dit qu’il n’y a plus de miracle dans ce monde. « Il y en aura encore un, s’écrie-t-elle ; une blanche colombe va paroître, et avec la hardiesse d’un aigle elle combattra les vautours qui déchirent la patrie. Il sera renversé cet orgueilleux duc de Bourgogne, traître à la