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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ses charmes et son infortune. L’histoire l’a peinte comme assez légère ; Schiller a donné plus de sérieux à son caractère, et le moment dans lequel il la représente motive bien ce changement. Vingt années de prison, et même vingt années de vie, de quelque manière qu’elles se soient passées, sont presque toujours une sévère leçon.

Les adieux de Marie au comte Leicester me paroissent l’une des plus belles situations qui soient au théâtre. Il y a quelque douceur pour Marie dans cet instant. Elle a pitié de Leicester, tout coupable qu’il est ; elle sent quel souvenir elle lui laisse, et cette vengeance du cœur est permise. Enfin, au moment de mourir, et de mourir parce qu’il n’a pas voulu la sauver, elle lui dit encore qu’elle l’aime ; et si quelque chose peut consoler de la séparation terrible à laquelle la mort nous condamne, c’est la solennité qu’elle donne à nos dernières paroles : aucun but, aucun espoir ne s’y mêle, et la vérité la plus pure sort de notre sein avec la vie.