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L’AUTRICHE

Le mal que peuvent faire les mauvais livres n’est corrigé que par les bons ; les inconvénients des lumières ne sont évités que par un plus haut degré de lumières. Il y a deux routes à prendre en toutes choses : retrancher ce qui est dangereux, ou donner des forces nouvelles pour y résister. Le second moyen est le seul qui convienne à l’époque où nous vivons ; car l’innocence ne pouvant être de nos jours la compagne de l’ignorance, celle-ci ne fait que du mal. Tant de paroles ont été dites, tant de sophismes répétés, qu’il faut beaucoup savoir pour bien juger, et les temps sont passés où l’on s’en tenoit en fait d’idées au patrimoine de ses pères. On doit donc songer, non à repousser les lumières, mais à les rendre complètes, pour que leurs rayons brisés ne présentent point de fausses lueurs. Un gouvernement ne sauroit prétendre à dérober à une grande nation la connaissance de l’esprit qui règne dans son siècle ; cet esprit renferme des éléments de force et de grandeur, dont on peut user avec succès quand on ne craint pas d’aborder hardiment toutes les questions : on trouve alors dans les vérités éternelles des ressources contre les erreurs passagères, et dans la liberté même le maintien de l’ordre et l’accroissement de la puissance.