Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
DE L’ALLEMAGNE

tique, étoit cependant très-favorable aux essais de tout genre que pouvoient tenter le génie et l’imagination. Il y avoit une sorte d’anarchie douce et paisible, en fait d’opinions littéraires et métaphysiques, qui permettoit à chaque homme le développement entier de sa manière de voir individuelle.

Comme il n’existe point de capitale où se rassemble la bonne compagnie de toute l’Allemagne, l’esprit de société y exerce peu de pouvoir ; l’empire du goût et l’arme du ridicule y sont sans influence. La plupart des écrivains et des penseurs travaillent dans la solitude ou seulement entourés d’un petit cercle qu’ils dominent. Ils se laissent aller, chacun séparément, à tout ce que leur inspire une imagination sans contrainte ; et si l’on peut apercevoir quelques traces de l’ascendant de la mode en Allemagne, c’est par le désir que chacune éprouve de se montrer tout-à-fait différent des autres. En France, au contraire, chacun aspire à mériter ce que Montesquieu disoit de Voltaire : Il a plus que personne l’esprit que tout le monde a. Les écrivains allemands imiteroient plus volontiers encore les étrangers que leurs compatriotes.

En littérature, comme en politique, les Alle-