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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ma mère, ma mère, s’écrie-t-elle d’une voix sombre, pourquoi troublez-vous cette belle nuit de l’hymen ? n’étoit-ce pas assez que, si jeune, vous m’eussiez fait couvrir d’un linceul et porter dans le tombeau ? Une malédiction funeste m’a poussée hors de ma froide demeure ; les chants murmurés par vos prêtres n’ont pas soulagé mon cœur ; le sel et l’eau n’ont point apaisé ma jeunesse : ah ! la terre elle-même ne refroidit point l’amour.

Ce jeune homme me fut promis quand le temple serein de Vénus n’étoit point encore renversé. Ma mère, deviez-vous manquer à votre parole pour obéir à des vœux insensés ? Aucun Dieu n’a reçu vos serments quand vous avez juré de refuser l’hymen à votre fille. Et toi, beau jeune homme, maintenant tu ne peux plus vivre ; tu languiras dans ces mêmes lieux où tu as reçu ma chaîne, où j’ai pris une boucle de ta chevelure : demain tes cheveux blanchiront et tu ne retrouveras ta jeunesse que dans l’empire des ombres.

Ecoute au moins, ma mère, la prière dernière que je t’adresse : ordonne qu’un bûcher soit préparé ; fais ouvrir le cercueil étroit qui