teront de cette fête : elle se promène triste et sombre dans les bois d’Apollon, et se plaint de connoître l’avenir qui trouble toutes les jouissances. On voit dans cette ode le mal que fait éprouver à un être mortel la prescience d’un dieu. La douleur de la prophétesse n’est-elle pas ressentie par tous ceux dont l’esprit est supérieur et le caractère passionné ? Schiller a su montrer sous une forme toute poétique une grande idée morale : c’est que le véritable génie, celui du sentiment, est victime de lui-même, quand il ne le seroit pas des autres. Il n’y a point d’hymen pour Cassandre, non qu’elle soit insensible, non qu’elle soit dédaignée ; mais son âme pénétrante dépasse en peu d’instants et la vie et la mort, et ne se reposera que dans le ciel.
Je ne finirois point si je voulois parler de toutes les poésies de Schiller qui renferment des pensées et des beautés nouvelles, Il a fait sur le départ des Grecs après la prise de Troie un hymne qu’on pourroit croire d’un poëte d’alors, tant la couleur du temps y est fidèlement observée. J’examinerai, sous le rapport de l’art dramatique, le talent admirable des Allemands pour se transporter dans les siècles, dans les pays, dans les caractères les plus différents du leur : superbe faculté, sans laquelle