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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

avec ardeur. On retrouve encore souvent dans les imaginations allemandes quelques traces de cet amour du soleil, de cette fatigue du nord qui entraîna les peuples septentrionaux dans les contrées méridionales. Un beau ciel fait naître des sentiments semblables à l’amour de la patrie. Quand Winckelmann, après un long séjour en Italie, revint en Allemagne, l’aspect de la neige, des toits pointus qu’elle couvre, et des maisons enfumées le remplissoit de tristesse. Il lui sembloit qu’il ne pouvoit plus goûter les arts, quand il ne respiroit plus l’air qui les a fait naître. Quelle éloquence contemplative dans ce qu’il écrit sur l’Apollon du Belvédère, sur le Laocoon ! Son style est calme et majestueux comme l’objet qu’il considère. Il donne à l’art d’écrire l’imposante dignité des monuments, et sa description produit la même sensation que la statue. Nul avant lui n’avoit réuni des observations exactes et profondes à une admiration si pleine de vie ; c’est ainsi seulement qu’on peut comprendre les beaux-arts. Il faut que l’attention qu’ils excitent vienne de l’amour, et qu’on découvre dans les chefs-d’œuvre du talent, comme dans les traits d’un être chéri, mille charmes révélés par les sentiments, qu’ils inspirent.