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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

« J’ai vu… Oh ! dites-moi, étoit-ce le présent, ou contemplois-je l’avenir ? J’ai vu la muse de la Germanie entrer en lice avec la muse anglaise, s’élancer pleine d’ardeur à la victoire.

Deux termes élevés à l’extrémité de la carrière se distinguoient à peine, l’un ombragé de chênes, l’autre entouré de palmiers[1].

Accoutumée à de tels combats, la muse d’Albion descendit fièrement dans l’arène ; elle reconnut ce champ, qu’elle parcourut déjà dans sa lutte sublime avec le fils de Méon, avec le chantre du Capitole.

Elle vit sa rivale, jeune, tremblante, mais son tremblement étoit noble : l’ardeur de la victoire coloroit son visage, et sa chevelure d’or flottoit sur ses épaules.

Déjà, retenant à peine sa respiration pressée dans un sein ému, elle croyoit entendre la trompette, elle dévoroit l’arène, elle se penchait vers le terme.

  1. le chêne est l’emblème de la poésie patriotique, et le palmier celui de la poésie religieuse qui vient de l’Orient.