peut-être le plus rare de tous dans les conquérants, car ils aiment mieux être généreux que justes ; parce que la justice suppose un rapport quelconque d’égalité avec les autres.
Frédéric avoit rendu les tribunaux si indépendants, que, pendant sa vie, et sous le règne de ses successeurs, on les a vus souvent décider en faveur des sujets contre le roi dans des procès qui tenoient à des intérêts politiques. Il est vrai qu’il seroit presque impossible, en Allemagne, d’introduire l’injustice dans les tribunaux. Les Allemands sont assez disposés à se faire des systèmes pour abandonner la politique à l’arbitraire ; mais quand il s’agit de jurisprudence ou d’administration, on ne peut faire entrer dans leur tête d’autres principes que ceux de la justice. Leur esprit de méthode, même sans parler de la droiture de leur cœur, réclame l’équité comme mettant de l’ordre dans tout. Néanmoins, il faut louer Frédéric de sa probité dans le gouvernement intérieur de son pays : c’est un de ses premiers titres à l’admiration de la postérité.
Frédéric n’étoit point sensible, mais il avoit de la bonté ; or les qualités universelles sont celles qui conviennent le mieux aux souverains. Néanmoins cette bonté de Frédéric étoit inquiétante