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Les Indiens nous donnèrent la triste nouvelle des ravages que la petite vérole causait en ce moment au fort Sully, situé près de la petite rivière la Médecine, qui se jette dans le Missouri à l’anse supérieure du grand détour. Ce détour ou circuit est de trente-six milles, tandis que la distance par terre n’est que de quatre milles. À ma demande, le capitaine me mit à terre, et deux heures après, je me trouvai au milieu des malades. J’administrai le baptême à tous les petits enfants qui n’avaient pas encore eu le bonheur de recevoir ce sacrement. Je passai la nuit avec eux, leur prodiguant tous les soins qu’il était en mon pouvoir de leur donner. La maladie ressemblait au terrible fléau qui ravagea Londres en 1665.[1]. Ceux qui y échappèrent retinrent longtemps des taches noirâtres sur tout le corps. Même pendant cette épidémie, les sauvages, suivant leur ancienne coutume de donner une singulière sépulture aux défunts, plaçaient les cadavres de leurs parents, enveloppés seulement dans une couverture ou dans une peau de buffle, sur des tréteaux dressés dans la plaine. Ils les laissaient ainsi exposés aux chaleurs brûlantes d’un soleil de juillet, le plus ardent de l’année. Il en résultait nécessairement des exhalaisons pestilentielles qui infectaient toute l’atmosphère à plusieurs milles de distance.

On m’indiqua dans le camp un jeune orphelin

  1. Il y périt alors 100, 000 personnes. (Note de la présente édition.)