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dans les régions de la mer Pacifique  ; je suis allé du territoire de la baie d’Hudson, le long des rivières Saskatschewan et Athabasca, jusqu’au grand lac Salé, où se trouve aujourd’hui la capitale des Mormons. Chaque fois que j’ai revu ces plaines, je me suis trouvé péniblement impressionné  ; des milliers de pauvres européens qui demandent du pain et errent sans abri se présentaient à ma pensée. Souvent je m’écriais : «  O malheureux, que n’êtes-vous ici  ! Votre travail et votre industrie mettraient fin à vos misères. Vous élèveriez ici une demeure agréable, et recueilleriez avec abondance les fruits de vos travaux.  » Oui, des populations laborieuses et persévérantes dans leurs entreprises pourraient ici trouver une honnête existence.

Un silence de mort règne dans ce vaste désert. On peut y passer des semaines entières dans de longues courses, sans apercevoir une seule personne. Et cependant on se familiarise avec la solitude  ; on finit même par s’y plaire. Elle donne de l’essor aux facultés de l’homme  ; l’intelligence y devient plus vigoureuse, les pensées y naissent plus rapides et plus claires. Il m’a toujours paru que lorsqu’on voyage dans ces plaines, on se sent plus porté à la prière, à la méditation, à la confiance en Dieu  ; on songe davantage à Celui qui seul est notre refuge et pourvoit à tous nos besoins. Sans doute l’isolement absolu où l’on se trouve, les dangers auxquels on est exposé de la