Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sauvages l’avaient beaucoup affaibli ; ses soins assidus auprès des malades achevèrent de l’épuiser. J’avais beau l’avertir de se ménager ; son zèle l’emportait sur toute autre considération ; au lieu de se prémunir contre le danger, il paraissait le chercher. J’étais peiné de le voir remplir seul son œuvre héroïque de charité ; mais je me trouvais moi-même dans un tel état de faiblesse, que j’étais incapable de lui offrir le moindre secours. Le 18, on avait des craintes que mon mal ne prît le caractère du choléra. Je priai le Père Hoecken d’entendre ma confession et de me donner l’extrême-onction ; mais en ce même moment il fut appelé auprès d’un malade qui était à l’extrémité. Il me dit. : — « Je ne vois point de danger immédiat pour vous ; nous verrons demain. » — Il avait assisté trois mourants ce jour-là. Hélas ! jamais je n’oublierai la scène qui eut lieu quelques heures après. La chambrette du R. P. Hoecken était à côté de la mienne. Entre une et deux heures de la nuit, lorsque tout était tranquille et silencieux à bord, que les malades, dans leurs insomnies, n’entendaient que les soupirs de leurs voisins de cabine, la voix du Père Hoecken frappa mes oreilles… Il m’appelait à son secours. Réveillé comme d’un profond assoupissement, je reconnais son accent ; je me traîne au chevet de son lit. Hélas ! je vois le Père à toute extrémité. Il me demande d’entendre sa confession ; je me rends aussitôt à ses désirs. Le docteur Evans, médecin d’une grande expérience