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En temps ordinaire, les chicots et les bancs de sable sont les principaux obstacles à la navigation dans les grands cours d’eau de l’Ouest  ; mais ils avaient entièrement disparu et n’inspiraient aux pilotes aucune inquiétude. D’autres dangers avaient pris leur place  ; toute la surface du fleuve était couverte de débris : maisons, granges, écuries, clôtures des champs et des jardins, étaient emportés pêle-mêle avec des milliers d’arbres déracinés. Au milieu de ces masses flottantes de bois dont nous ne pouvions pas toujours éviter le choc, le Saint-Ange faisait force vapeur, et avait à surmonter un courant presque irrésistible : Plusieurs fois il fut entraîné à la dérive  ; dans deux occasions surtout, la lutte contre le fleuve fut terrible. Le steamer durant un bon quart d’heure semblait comme immobile au milieu des flots impétueux  ; mais enfin il triompha, grâce à la quantité de poix et de goudron qu’on jeta dans les fourneaux pour en activer le feu.

Au sein de périls si effrayants, le missionnaire prend courage et s’anime, à la pensée du but surnaturel qu’il poursuit. Il sait qu’il est sous la main de

Celui qui met un frein à la fureur des flots.

Le débordement des rivières, les pluies continuelles au printemps, les transitions alternatives, fréquentes et soudaines du froid au chaud, sont dans ce climat les avant-coureurs certains des fié-