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cipalement des Canadiens, quelques Américains, quelques Irlandais, Allemands, Suisses et Italiens, et plusieurs Français de France, nom qu’on leur donne ici pour les distinguer des créoles français du pays. Ils allaient en quête des biens de la terre ; le P. Hoecken et moi nous allions à la recherche des biens du ciel, à la conversion des âmes.

Nous avions eu un printemps désagréable, et jusqu’au moment de notre départ, la pluie avait été très-abondante. Les neiges et les glaces qui s’étaient amoncelées dans les régions plus septentrionales, se fondant tout à la fois, grossirent bientôt les mille et mille tributaires du Mississipi.[1] Ces rivières y précipitèrent leurs ondes torrentielles et gonflèrent tellement le fleuve, qu’il déborda roulant ses eaux bourbeuses de côté et d’autre, couvrant un terrain de huit, quinze, et, dans plusieurs endroits, de vingt milles de largeur. Le grand fleuve ne connaissait plus de bornes : sous ses ondes disparaissaient la verdure des riantes plaines, les majestueuses forêts, et les fleurs variées du printemps qui récréent les yeux du voyageur. Une vaste mer, pour ainsi dire, couvrait maintenant la terre ferme, et portait la ruine et la désolation parmi les habitations nombreuses qui occupent les bas-fonds le long de chaque bord.

  1. Le fleuve Mississipi, nom qui dans la langue des Algonquins veut dire la grande rivière, et non le père des eaux, comme quelques auteurs l’ont prétendu, fut découvert, en 1674, par un missionnaire jésuite, le célèbre père Marquette. (Note de la présente édition.)