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Parvenus à Council-Bluffs, le ciel, qui jusqu’alors avait été clair et serein, changea tout à coup pour faire place aux vents, à la tempête, et à d’épais nuages de neige qui nous accompagnèrent pendant deux jours  ; nous nous réfugiâmes dans une forêt profonde pour nous mettre à l’abri de la tourmente. Le miel qui y abondait fut notre principale ressource. Un seul peuplier que nous abattîmes nous en fournit bien au delà de nos besoins.

Nous fîmes peu de progrès pendant dix jours, à cause des vents contraires, des pluies et des neiges. Avant d’arriver à l’embouchure du Grand-Tarkio, le Missouri était tellement couvert de glaçons, que, dans notre frêle barque, nous nous trouvâmes exposés aux plus grands dangers, surtout à cause d’un très-grand nombre de chicots dont le lit de la rivière est parsemé, et qui montrent ou cachent de tous côtés leurs têtes menaçantes. Ce sont des arbres ou des troncs d’arbres que la rivière détache et enlève de ses bords, et dont les racines s’enfoncent fort avant dans la vase. Comme il n’y a, dans ce pays, ni chaussées ni digues qui empêchent la rivière de s’étendre, souvent des forêts entières sont déracinées et englouties  ; elles causent beaucoup d’embarras et parfois des obstacles insurmontables à la navigation.

La prudence nous fit abandonner notre esquif. Je louai un chariot de fermier, qui nous conduisit sains et saufs à Saint-Joseph, après une course de deux jours à travers une grande forêt qui borde