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Me voici au bout de ma légende chippewayse. Je vous la donne telle que je l’ai reçue. On m’assure qu’elle est très-ancienne. Le culte du feu, parmi nos Indiens, tient de celui des païens primitifs, qui pour se purifier, sautaient par-dessus un brasier allumé en l’honneur de leurs divinités. Les lois de Moïse défendaient cette pratique aux Juifs.

J’ai encore un mot à ajouter, et je finis cette longue épître. Dans la visite que j’ai faite jadis aux Corbeaux, campés au pied des montagnes Rocheuses, je fus l’objet d’une haute vénération de la part de ces sauvages. Pourquoi  ? Parce qu’ils me considéraient comme le porteur ou le gardien du feu. En effet, je portais une boîte d’allumettes phosphoriques dans la poche de ma soutane, et ils s’étaient aperçus que je m’en servais pour allumer ma pipe ou le calumet. J’appris plus tard la cause, bien futile en soi, qui leur avait fait attacher une si grande importance à ma pauvre personne.

Je reçois de temps en temps des nouvelles de tous ces malheureux Indiens. Ils n’oublient pas les visites qu’ils ont reçues, et je n’oublie pas non plus ces enfants de mon cœur. Ils continuent de demander, avec instance, chaque année, qu’on leur envoie des missionnaires pour baptiser leurs enfants et pour les instruire dans la sainte foi, qui seule peut les rendre heureux en ce monde et les conduire au bonheur éternel.

Vous me demandiez un jour dans une excursion que nous fîmes ensemble lors de mon dernier